Processus et taux de déformation générant la sismicité en France métropolitaine et en Europe occidentale proche

Bulletin de la Société Géologique de France 2020, 191, 19

Stéphane Mazzotti, Hervé Jomard, Frédéric Masson

(traduction post-éditée par N. Bacaër, suggestions d'amélioration : nicolas.bacaer@ird.fr)

Résumé

La majeure partie de la France métropolitaine et de l’Europe occidentale voisine est actuellement située dans le domaine intraplaque Eurasie, loin des principales limites de plaques (la dorsale atlantique et la zone de convergence Nubie – Eurasie). Comme dans les autres régions intraplaques, les taux de déformation et de sismicité actuels sont très lents, résultant dans de fortes limites et incertitudes sur la sismotectonique actuelle et les aléas sismiques. Au cours des deux dernières décennies, de nouvelles données et recherches géologiques, sismologiques et géodésiques ont mis en évidence des modes de déformation inattendus en France métropolitaine, comme l’extension ca. 0,5 mm a−1 perpendiculaire à la chaîne dans les Pyrénées et les Alpes occidentales qui ne peut pas être associée à l’histoire de formation des montagnes. Ailleurs, les données actuelles sur la déformation et la sismicité fournissent une image partielle qui indique des régimes de déformation généralement en extension ou décrochement (sauf dans l’avant-pays des Alpes occidentales). Une revue des nombreuses études et observations montre que la tectonique des plaques (mouvement des plaques, convection du manteau) n’est pas le seul, ni probablement le principal moteur de la déformation actuelle et de la sismicité, et que des processus supplémentaires doivent être envisagés, tels que l’énergie potentielle de la topographie, l’érosion ou le réajustement isostatique glaciaire depuis la dernière glaciation. Le rôle exact de chaque processus varie probablement d’une région à l’autre et reste à caractériser. De plus, l’héritage structural (affaiblissement de la croûte / du manteau à la suite d’événements tectoniques passés) peut jouer un rôle important dans la localisation et l’amplification de la déformation jusqu’à des facteurs de 5–20, ce qui pourrait expliquer une partie de la variabilité spatiale de la sismicité. Sur la base de cette revue, nous identifions trois axes de recherche qui devraient être développés pour mieux caractériser la sismicité, les taux de déformation et les processus associés en France métropolitaine : la sismicité macrosismique et historique, notamment en ce qui concerne les estimations des magnitudes de moment ; la déformation géodésique, y compris dans les régions de faible sismicité où le rapport de la déformation sismique à asismique reste un paramètre majeur inconnu ; un cadre sismotectonique intégré et cohérent comprenant modèles numériques et données géologiques, sismologiques et géodésiques. Ce dernier a le potentiel pour des améliorations significatives dans la caractérisation de la sismicité et des aléas sismiques en France métropolitaine mais aussi en Europe occidentale.

1. Introduction

Du point de vue de la tectonique des plaques, la majeure partie de la France métropolitaine et de l'Europe occidentale continentale appartient actuellement à la plaque Eurasie (Fig. 1). Les données géologiques, sismologiques et géodésiques indiquent que la convergence Nubie-Eurasie (4–6 mm an−1) se fait principalement le long de la marge nord du Maghreb, avec des complexités locales associées aux micro-plaques dans l'extrême sud de l'Espagne et autour de la région Adriatique (D'Agostino et coll., 2008 ;DeMets et coll., 2010 ;Nocquet, 2012). Ainsi, en dehors des Alpes occidentales, la France métropolitaine correspond au premier ordre à un domaine intra-plaque, loin des grandes frontières de plaques (Fig. 1).

La question des processus et des forces responsables de la sismicité intra-plaque est une énigme scientifique majeure. Une variété d'hypothèses sont proposées, couvrant une large gamme d'échelles spatiales et temporelles, des intersections de failles ou des contrastes de densité crustale agissant comme des concentrateurs de contraintes locaux, au transfert de contraintes à l'échelle des plaques à partir de limites de champ lointain, ou aux réservoirs de contraintes d'événements tectoniques passés (Sykes, 1978 ;Mazzotti, 2007 ;Calais et coll., 2016 ;Talwani, 2016). Alors que la charge à l'état d'équilibre de la tectonique des plaques domine généralement dans les régions limites des plaques, son rôle mineur dans les régions intraplaques entraîne des relations complexes entre l'accumulation de contraintes et la libération de contraintes sismiques qui dépendent des mécanismes d'entraînement. Cette complexité conduit à un spectre de modèles pour la déformation et la sismicité intraplaques actuelles qui se situent entre deux membres d'extrémité: d'une part, la dynamique des régions intraplaques est considérée comme similaire, mais beaucoup plus lente que celles des zones limites de plaque, avec un chargement lent taux et tremblements de terre récurrents sur de longues périodes de retour; d'autre part, la dynamique intraplaque est considérée comme différente de celle des régions limites de plaque, avec des taux de charge négligeables et des tremblements de terre qui peuvent ne pas se répéter sur des échelles de temps géologiquesCalais et coll., 2016). Cette absence de cadre consensuel pour expliquer la déformation intra-plaque conduit à des incertitudes importantes dans la caractérisation de la sismicité et de l'aléa sismique associé (Stein et Mazzotti, 2007).

Au cours des deux dernières décennies, une richesse de nouvelles données géologiques, sismologiques et géodésiques a mis en évidence des modes de déformation inattendus en France métropolitaine, conduisant au développement de nouveaux modèles essayant d'identifier les processus et mécanismes à l'origine de l'actuel. déformation et sismicité. La plupart de ces études portent sur un processus spécifique appliqué à une région spécifique (Alpes occidentales, Graben du Rhin supérieur, etc.). Dans cet article de synthèse, nous proposons un panorama et une synthèse de ces études afin de rassembler et de discuter de la variété des informations sur les taux et processus de déformation à l'origine de la sismicité en France et en Europe occidentale contiguë. En raison de sa portée et du volume de publications associées, cette revue ne fournit pas un aperçu exhaustif de toutes les études associées à la sismicité, déformation ou processus géodynamiques actuels. En tant que tel, la plupart des références utilisées dans cet article sont censées être considérées comme des exemples et n'indiquent pas qu'ils sont les seuls ou les principaux contributeurs au sujet connexe. Les lecteurs doivent se référer aux études originales pour obtenir des références et des informations supplémentaires.

Cet article de synthèse est organisé en quatre sections principales. Dans un premier temps, nous présentons les connaissances actuelles sur la sismicité en France métropolitaine (section 2) sous l'angle des données instrumentales, historiques et géologiques. Dans la section suivante, nous présentons les avancées récentes dans la caractérisation de la cinématique et des taux de déformation à l'aide de la géodésie terrestre et spatiale (section 3). Des modèles de processus et de mécanismes à l'origine de cette déformation et sismicité sont présentés dans la section 4 . Enfin, nous discutons certaines des implications pour mieux caractériser la sismicité et les estimations de l'aléa sismique en France (Sect. 5).

Fig. 1. Cadre tectonique actuel de l'Europe occidentale. La ligne blanche continue montre la limite de la plaque Nubie – Eurasie. Les lignes blanches pointillées montrent les limites des micro-plaques Adria et Alboran. De petits (resp. Grands) cercles jaunes montrent des tremblements de terre de magnitude Mw ≥ 4,5 (resp. Mw ≥ 6,0) de 1000 après JC à 2006 (catalogue SHARE, Giardini et al., 2013). Les vecteurs rouges avec des bases blanches montrent les vitesses GNSS par rapport à l'Europe occidentale (Masson et coll., 2019b) pour quelques sites sélectionnés illustrant les mouvements relatifs des plaques et des micro-plaques.

2 Sismicité

Les réseaux sismiques enregistrent l'activité sismique quotidienne en France métropolitaine. Bien que la plupart des tremblements de terre soient trop faibles pour être ressentis par la population, certains sont ressentis toutes les quelques semaines, produisent des dommages mineurs toutes les quelques années ou provoquent des effondrements de bâtiments et des décès toutes les quelques décennies. Des études historiques et géologiques montrent que des événements similaires ou peut-être plus importants et plus dommageables se sont produits dans le passé, indiquant que, bien que rares à l'échelle d'une vie, les tremblements de terre destructeurs ne peuvent être exclus.

Ci-après, les magnitudes des séismes sont données sous forme de magnitudes de moment (Mw) lorsqu'elles sont disponibles ou sous forme de magnitudes génériques (M) dans le cas contraire, sans distinction entre les différents types d'estimations de magnitudes locales (cf. Cara et coll., 2015 pour plus de détails sur les conversions de magnitude).

2.1 Sismicité pré-instrumentale et instrumentale

Le premier système d'enregistrement sismologique en France est installé en 1892 à Strasbourg (alors partie de l'Empire prussien), suivi dans les décennies suivantes par des observatoires supplémentaires à Paris-St. Maur, Marseille, Puy de Dôme… Du fait de leur rareté et de leur sensibilité limitée, leurs archives ne fournissent pas le même niveau d'information que les réseaux modernes et cette période est donc souvent qualifiée de «pré-instrumentale». Ces observatoires ont enregistré des événements importants, tels que le tremblement de terre meurtrier de Lambesc en 1909 (Baroux et coll., 2003), et a contribué à la publication des premiers catalogues instrumentaux sur une base mensuelle à annuelle relativement régulière au cours de la première moitié du 20e siècle. Avec des enregistrements similaires d'autres pays, ces enregistrements pré-instrumentaux sont maintenant numérisés et réanalysés afin de déduire les caractéristiques des tremblements de terre du début des années 1900 (Lee et coll., 1988 ;Cara et coll., 2008 ;Amorèse et coll., 2020).

À partir du début des années 1960, la couverture instrumentale en France métropolitaine devient généralement suffisante pour observer tous les séismes ressentis par la population (soit M ≥ ∼ 2,5). A partir de 1962, un réseau national est déployé par le Commissariat à l'Energie Atomique (CEA), qui contribue à la caractérisation de la sismicité métropolitaine en diffusant annuellement des bulletins et catalogues, selon le CEA chargé des alertes sismiques auprès des autorités françaises. À partir des années 80, plusieurs réseaux nationaux et régionaux se développent à des fins de recherche académique et de communication publique (ex : RéNaSS, Sismalp). Ils sont désormais intégrés au réseau RESIF (https://www.resif.fr), qui comprendra ca. 300 stations couvrant l'ensemble du territoire en 2020. SI-Hex (Cara et al., 2015) est le catalogue le plus récent et le plus complet de tremblements de terre instrumentaux pour la France métropolitaine et les régions transfrontalières, couvrant la période 1962–2009. La figure 2 présente le catalogue SI-Hex et son complément le plus récent jusqu'en 2018. Au cours de cette période, plus de 50 000 séismes ont été enregistrés avec une magnitude de complétude Mw ≈ 2,5. En raison de l'évolution du réseau au cours des cinq dernières années, le nombre annuel de tremblements de terre enregistrés a augmenté, atteignant plus de 5000 en 2017 (Fig. 2b), mais avec un taux de tremblement de terre relativement faible . 2012-2015 en raison des redéploiements du réseau lors de l'installation du nouveau réseau haut débit (RLBP). La sismicité suit une distribution classique de Gutenberg-Richter (c'est-à - dire des fréquences de tremblement de terre inversement proportionnelles à leur magnitude) avec env. 10 à 15 tremblements de terre de magnitude Mw ≥ 3,0 par an et un peu moins d'un Mw ≥ 4,0 par an (Fig. 2c). L'extrapolation de cette distribution à de grandes magnitudes indiquerait une magnitude Mw ≥ 6,0 environ tous les 300 ans. Cette extrapolation est problématique au vu des données historiques et de la stabilité du catalogue à long terme (cf. Sect. 2.4).

Hormis les bassins de Paris et d'Aquitaine, l'ensemble du pays est affecté par une sismicité modérée et diffuse (Fig.2a). Les zones les plus actives sont les Pyrénées et les Alpes. Dans le premier cas, la sismicité couvre toute la chaîne de montagnes, avec une activité plus élevée dans les régions du centre et de l'ouest, tandis que les tremblements de terre dans les Alpes françaises ont tendance à se concentrer le long de la partie interne (orientale) de la chaîne. Une activité sismique plus faible s'étend au nord-est de la France (Jura, Alsace, Vosges), où les séismes se concentrent principalement dans le Sundgau, au nord du front du Jura, le Graben du Rhin et les Vosges. Une sismicité plus éparse est enregistrée dans le centre et l'ouest de la France, dans le Massif armoricain et le Massif central. D'ici 2020, la densification du réseau sismologique devrait améliorer les détections de petits séismes (M <2) et pourrait modifier les détails de cette distribution de sismicité, notamment dans les zones à faible densité comme les bassins d'Aquitaine et de Paris.

Des tremblements de terre instrumentaux moyens à importants (Mw> 4,5–5) ont été enregistrés dans toutes les régions présentant une sismicité de fond (Fig. 2a). Les plus notables sont:

La sismicité des essaims est également enregistrée, caractérisée par des séries de tremblements de terre limités à quelques kilomètres et de plusieurs semaines à plusieurs mois, sans séquence claire de choc principal / réplique. Ces dernières années, l'une des principales zones sujettes aux essaims est la haute vallée de l'Ubaye (Alpes), avec plus de 16 000 séismes en 2003 et 2004, dont plusieurs de magnitude M> 2. Deux tremblements de terre M> 4 avec des séquences de répliques claires se sont produits en février 2012 et avril 2014 pendant l'essaim en cours (De Barros et coll., 2019).

Les mécanismes focaux sont également dérivés de la sismicité instrumentale, fournissant des informations importantes sur les failles et les déformations. Ces données dépendent fortement de la couverture du réseau et du modèle de vitesse utilisé pour les emplacements des séismes, en particulier pour les petits événements (M <3-4) qui constituent la majorité des données. Les mécanismes focaux sont estimés depuis les années 1990 dans de nombreuses études à l'échelle locale et nationale, mais avec un fort accent sur les Alpes (Nicolas et coll., 1990 ;Baroux et coll., 2001 ;Mazabraud et coll., 2005). Un catalogue de mécanismes homogènes et cohérents (calculés avec la même procédure) n'existe pas, mais une compilation nationale, avec vérification au premier ordre des solutions et analyses régionales, est produite dans le cadre du RESIF (Mazzotti et coll., subm.). Cette compilation, illustrée à la figure 3 pour les tremblements de terre de magnitude Mw ≥ 4,0, est développée comme ligne directrice pour les études sismotectoniques de la zone métropolitaine, avec des limites dues à l'hétérogénéité des études originales.

Fig. 2 Sismicité instrumentale en France métropolitaine. (a) Carte du catalogue SI-Hex étendu (1962–2018). Les cercles colorés indiquent les magnitudes des tremblements de terre Mw. (b) Nombre de tremblements de terre enregistrés par an. (c) Distribution cumulative magnitude-fréquence de la sismicité. Cercles pleins: catalogue instrumental SI-Hex (1962–2018), Mw ≥ 2,5. Triangles pleins: catalogue FCAT17 historique et instrumental (Manchuel et coll., 2018), Mw ≥ 4,0. Les lignes grises en pointillé et en pointillé montrent les modèles Gutenberg-Richter les mieux adaptés pour chaque catalogue, la flèche à double tête indiquant un décalage apparent de 0,5 point de magnitude.
Fig. 3 Mécanismes focaux sismiques en France métropolitaine. Projections dans l'hémisphère inférieur des mécanismes focaux pour les tremblements de terre de magnitude Mw ≥ 4,0 (compilation de Mazzotti et al., Subm.).

2.2 Données macrosismiques et tremblements de terre historiques

Avant le développement des sismomètres, les tremblements de terre sont principalement connus à partir de documents écrits relatant des témoignages humains et des dommages aux bâtiments provenant de diverses sources (par exemple, correspondances personnelles, actes paroissiaux ou notariaux, journaux). Les recherches sur ce sujet commencent à la fin du XVIIIe siècle avec le premier catalogue national de sismicité historique (Perrey, 1845). L'enrichissement de ce travail fondateur conduit à la base de données SISFRANCE (Scotti et coll., 2004), dans laquelle les témoignages et les enregistrements de dommages sont interprétés par rapport à l'échelle d'intensité MSK-64. Des enquêtes macrosismiques collectant des témoignages et des informations sur les dommages auprès des communes sont menées en France depuis le séisme de Lambesc en 1909. Ils fournissent des informations plus exhaustives et plus rigoureuses que celles déduites des analyses d'archives, qui dépendent fortement de la disponibilité et de l'interprétation des documents historiques. Ces enquêtes sont devenues systématiques après chaque tremblement de terre ressenti après env. 1920 avec la création du «Bureau Central Sismologique Français» (BCSF, http://www.franceseisme.fr). Cette collection n'est pas continue tout au long du 20e siècle mais est complète depuis 1983, avec des données macrosismiques définies de nos jours sur l'échelle d'intensité EMS98.

La version la plus récente du catalogue des séismes historiques SISFRANCE (2017), compilant des données macrosismiques de 217 av.J.-C. à 2008, est présentée à la figure 4 . Les tremblements de terre sont associés à une intensité épicentrale I 0 (c'est-à - dire une intensité ressentie aussi près que possible de l'épicentre estimé), ce qui constitue un moyen pratique de séparer les tremblements de terre ressentis (I 0   Le schéma général de la sismicité historique est conforme à celle instrumentale (fig. 4a contre 2a), avec des complexités locales telles que la région du Pas-de-Calais où trois grands séismes historiques ont affecté un domaine d'activité très faible instrumentale (1382, I 0  = VII – VIII; 1449, I 0  = VII; 1580, I 0  = VII – VIII). Une situation similaire existe en Provence, où la sismicité instrumentale à proximité du système de failles Moyenne Durance-Trevaresse est faible par rapport aux événements historiques survenus dans la région (1708, I 0  = VIII; 1909, I 0 = VIII – IX). Ces observations illustrent que si les grands tremblements de terre ont tendance à se produire dans les zones où la sismicité de fond est importante, il n'est pas possible d'exclure leur occurrence dans les zones présentant une faible sismicité instrumentale.

En plus des études macrosismiques classiques, l'archéosismologie traite de l'analyse des traces laissées par les tremblements de terre sur les bâtiments et les structures historiques. Il n'est pas limité aux temps anciens et peut être appliqué aux tremblements de terre récents, tels que le tremblement de terre de Manosque de 1708 (Quenet et coll., 2004 ;Poursoulis et Levret-Albaret, 2014). Pour les événements plus anciens, très peu de données existent en France. Par exemple, une étude sur l'aqueduc romain de Nîmes conclut sur la survenue possible d'un ou deux tremblements de terre provoquant des troubles entre 250 et 350 après JC (Volant et coll., 2008); Les observations archéologiques sur les édifices romains de Vienne confirment la survenue d'un événement du 5ème siècle rapporté dans la base de données SISFRANCE, avec peut-être des plus anciens (Adjadj et coll., 2014).

Fig. 4 Sismicité historique en France métropolitaine. (a) Carte du catalogue SISFRANCE 2017 (AD 463–2008). Les carrés de couleur indiquent les intensités épicentrales des tremblements de terre I 0 . (b) Nombre de points de données macrosismiques (MPD) par événement et par an AD. «Faible», «rare», «croissant» et «élevé» indiquent un niveau de connaissance sur les tremblements de terre historiques basé sur les types de documents et la disponibilité.

2.3 Paléosismicité et failles sismogènes

La paléosismologie traite des effets directs et indirects laissés par les tremblements de terre dans l'environnement géologique. Les observations géologiques et géophysiques peuvent fournir des informations sur les tremblements de terre et les failles sismogènes passés (c. -à- d . Les failles qui ont généré ou peuvent générer des tremblements de terre). Ces derniers sont particulièrement difficiles à évaluer dans les domaines intraplaques, où les preuves de terrain sont souvent ténues et complexes. En France métropolitaine, il existe peu de preuves géologiques d'occurrence de tremblements de terre sur des failles identifiées, alors que de nombreuses preuves de déformation post-miocène indiquent des incertitudes importantes concernant d'éventuelles failles sismogènes inconnues.

La base de données NEOPAL fournit un examen de ces données par un comité national d'experts (Fig. 5). Plusieurs compilations existent également à l'échelle régionale et nationale pour des indices néotectoniques potentiels (Baize et coll., 2013) et les failles sismogènes (Grellet et coll., 1993 ;Lacan et Ortuño, 2012). (Jomard et coll., 2017) compilent la base de données la plus récente des failles sismogéniques potentielles à moins de 50 km des installations nucléaires (BDFA, Fig.5). En raison du manque ou de la rareté des contraintes dues à la déformation plio-quaternaire, les failles montrant des signes de déformation miocène ou plus récente sont considérées comme potentiellement sismogènes, en supposant que le champ de contraintes régional n'a pas connu de changements dramatiques depuis lors (voir la section 4.1 pour une discussion sur cette hypothèse). Cette approche est similaire au cadre méthodologique proposé dans les rapports récents pour identifier les failles sismogènes potentielles dans les régions à déformation lente (Bertil et Terrier, 2017 ;Terrier et coll., 2018).

Une limitation majeure des études néotectoniques et paléosismiques est leur tendance à se concentrer dans les régions de forte activité sismique, à proximité de séismes historiques majeurs ou à proximité d'installations critiques (Sébrier et coll., 1997 ;Ferry et coll., 2005 ;de La Taille et al., 2015). De ce fait, la plupart des failles des régions à sismicité modérée n'ont pas été étudiées en termes de potentiel sismogène (notamment dans le Massif Central, la Bretagne ou la majeure partie de la vallée du Rhône) et la majorité des failles sismogènes potentielles identifiées se situent en Provence, au nord Alpes, le Graben du Rhin supérieur et, dans une moindre mesure, les Pyrénées et les Alpes du sud-est (Fig. 5).

Les estimations géologiques de la magnitude et de la fréquence des tremblements de terre passés et potentiels futurs sont également sujettes à débat. Les relations d'échelle relatives aux décalages de défaut ou aux dimensions sont utilisées pour fournir des estimations des grandeurs associées (Wells et Coppersmith, 1994), conduisant à des magnitudes géologiques comprises entre M ≈ 6 et M ≈ 7 (Chardon et coll., 2005 ; Ferry et coll., 2005 ;Cushing et coll., 2008). Très peu de failles sont associées à des observations directes de séismes récurrents et de leurs périodes de retour: la faille de Trevaresse (Chardon et al., 2005) et la faille de Bâle Reinach (Ferry et al., 2005), plus potentiellement la faille de Courthézon (Combes et coll., 1993). Les taux de glissement de défaut peuvent également être utilisés pour fournir des estimations indirectes des périodes de retour des tremblements de terre, mais ils sont extrêmement difficiles à contraindre en raison des faibles taux de déformation, de l'érosion et des activités anthropiques qui limitent les observations. Dans ce contexte, peu de taux de glissement de faille sont déterminés en France et la plupart correspondent aux marqueurs du Pléistocène au Miocène (Jomard et al., 2017).

Les nouvelles méthodes d'archéosismologie et de paléosismologie peuvent fournir des informations importantes pour améliorer notre compréhension de la sismicité. L'archéosismologie a été développée principalement à partir d'observations qualitatives (Quenet et al., 2004 ; Poursoulis et Levret-Albaret, 2014), avec peu d'études quantitatives (par exemple, aqueduc de Nîmes, (Volant et al., 2008)). Les développements récents de la surveillance sismique et de la modélisation numérique de la réponse des bâtiments aux secousses permettent des analyses affinées des bâtiments historiques et du niveau de secousses qu'ils ont subis (cf étude des églises médiévales de Savoie (Limoge-Schraen et al., 2014)). Ces approches quantitatives devraient fournir de nouvelles données sur les tremblements de terre historiques connus ou inconnus en utilisant le grand parc de bâtiments historiques en France. De même, des progrès substantiels peuvent être attendus en paléosismologie. De nouvelles méthodes d'imagerie et de datation de surface et souterraine ont été largement appliquées dans de nombreuses régions tectoniques actives, mais encore rarement en France métropolitaine. LIDAR (Light Detection And Ranging) augmente considérablement l'identification des structures géomorphiques et des failles actives, y compris dans les régions intraplaques (Mikko et coll., 2015), mais son accessibilité reste limitée pour les études tectoniques en France. De même, la datation de la faille de la faille du sous-sol (Vrolijk et coll., 2018) ou des études de dépôts lacustres (Strasser et coll., 2006 ;Beck, 2009) peuvent considérablement améliorer les catalogues de tremblements de terre et résoudre des problèmes tels que les cycles sismiques irréguliers ou les tremblements de terre non répétés (Clark et coll., 2012 ; Calais et coll., 2016).

Fig. 5 Données néotectoniques et failles sismogènes potentielles en France métropolitaine. Les lignes bleu clair montrent les failles tectoniques de Grellet et al. (1993) . Les cercles jaunes et rouges montrent des indications de déformation post-miocène de la base de données NEOPAL et de Baize et al. (2013) . Les lignes noires, rouges, oranges et jaunes montrent les défauts de la base de données BDFA d'âge indéterminé, quaternaire, syn / post pliocène et syn / post miocène (Jomard et al., 2017).

2.4 Variations temporelles de la sismicité

Les variations temporelles de la sismicité peuvent être étudiées en combinant des données historiques et instrumentales dans un catalogue de sismicité homogène, avec une difficulté majeure due à l'impact de l'atténuation sismique régionale sur les estimations de magnitude (Mayor et coll., 2018). Pour le catalogue instrumental SI-Hex, cet effet est pris en compte en divisant le territoire français en quatre régions d'atténuation (Cara et coll., 2017). Pour les tremblements de terre historiques, le processus complexe d'estimations de magnitude à partir de données macrosismiques nécessite des événements d'étalonnage avec des magnitudes Mw instrumentales, des champs macrosismiques robustes et des lois régionales d'atténuation de l'intensité (Bakun et Scotti, 2006 ;Baumont et coll., 2018 ;Provost et Scotti, 2020). En France, le catalogue FCAT-17 (Manchuel et al., 2018) fournit les estimations Mw les plus récentes combinant les jeux de données instrumentales SI-Hex et SISFRANCE historiques, en tenant compte des modèles d'atténuation régionaux disponibles.

L'évolution temporelle du taux de moment sismique annuel pour AD 400–2010 basé sur FCAT-17 (à l'exclusion des événements étiquetés comme «PAUVRE» et avec l'ajout du tremblement de terre du 19 juillet 1963, Mw = 6,0 Ligurie) est illustrée à la figure 6 . Pour un premier ordre, deux périodes principales sont observées:

La période post-1450 est illustrée plus en détail sur la figure 6c . Lissé sur une fenêtre de 10 ans, le taux de moment sismique annuel varie de 2 à 3 ordres de grandeur jusqu'à env. 1700 après JC, après quoi il se stabilise vers ca. 1,1 × 10 17  N · m an−1, ce qui suggère que les grands tremblements de terre (Mw ≥ 5) sont probablement complets pour toute la période post-1450, alors que certains événements plus petits (Mw <5) devraient manquer avant 1700. Au cours des 50 années de la période instrumentale post-1960, le taux annuel moyen sur 10 ans montre un minimum systématique (environ 0,1 × 10 17  N m an-1) par rapport à la moyenne d'avant 1960. Trois hypothèses peuvent expliquer cette apparente faible activité de la période post-1963:

Une observation similaire est faite en comparant les distributions magnitude-fréquence des catalogues historiques et instrumentaux (Fig. 2c). Un décalage systématique de ca. 0,5 point de magnitude est mis en évidence entre les deux catalogues dans la plage Mw = 4,5–5,0 et pour les extrapolations des distributions de Gutenberg-Richter. À l'heure actuelle, aucune preuve ne permet de rejeter l'une quelconque des explications possibles, excluant une conclusion claire concernant les variations temporelles de la sismicité et l'aléa sismique associé en France métropolitaine. Bien que les nouveaux réseaux fourniront des données importantes pour une meilleure caractérisation de la sismicité de fond, les améliorations du catalogue des tremblements de terre historiques et les conversions aux magnitudes Mw ressortent clairement comme une exigence majeure pour les études futures.

Fig. 6 Variations des taux de moment sismique annuels. Logarithme décimal du taux annuel cumulatif (a) et incrémental (b) du moment sismique du catalogue FCAT-17 AD 400–2010. Les symboles rouges en (b) indiquent la moyenne sur 50 ans. (c) Logarithme décimal de la vitesse incrémentielle du moment sismique AD 1450–2010. Les symboles rouges indiquent la moyenne sur 10 ans. Les étiquettes du côté droit indiquent la magnitude Mw équivalente.

3 Cinématique et taux de déformation

Par définition, la principale caractéristique d'une région intraplaque est son très faible taux de déformation qui ne peut être quantifié à l'aide de données géologiques classiques. Ainsi, les données géodésiques ont été utilisées pour tenter de fournir des estimations quantitatives de la cinématique locale et régionale et des taux de déformation en France métropolitaine, en utilisant dans un premier temps la géodésie terrestre traditionnelle (triangulation, nivellement) puis rapidement la géodésie spatiale. Les premières publications utilisant des levés géodésiques terrestres pour étudier la déformation en France ont suivi de près le développement de ces techniques dans des régions limitrophes de plaques comme la Californie.

3.1 Nivellement et triangulation

En raison de sa précision relativement faible sur de longues distances, la géodésie terrestre (nivellement, triangulation, trilatération) nécessite des levés séparés de plusieurs décennies afin d'estimer les vitesses avec un niveau de précision de quelques mm an-1 (soit quelques cm sur 10 ans). Les premières études sur la déformation verticale combinent les deux grandes enquêtes nationales de nivellement (1887–1907 et 1965–1979) avec des enquêtes régionales supplémentaires pour calculer les taux relatifs de soulèvement et d'affaissement dans diverses régions de France (Fourniguet, 1980). Ils estiment généralement des vitesses verticales différentielles (soulèvement et affaissement) jusqu'à 1–3 mm an−1 sur des distances de 10–100 km. Ces mouvements verticaux sont provisoirement associés à des structures géologiques actives et à des failles, par exemple en Bretagne (Lenôtre et coll., 1999) ou les montagnes du Jura (Jouanne et coll., 1995), bien que les résultats soient à la limite de résolution de la méthode de nivellement, en particulier dans les régions à fort relief (Rigo et Cushing, 1999).

Contrairement au nivellement, seules quelques études ont pris en compte les données de triangulation et de trilatération pour les analyses de déformation horizontale en France et dans les régions voisines (Reilly et Gubler, 1990 ;Jouanne et coll., 1994). Par exemple, la comparaison des campagnes de triangulation de 1930–1936 et de 1979–1984 suggère un raccourcissement à des taux allant jusqu'à 5 mm an−1 dans le nord des Alpes françaises (Jouanne et al., 1994). Bien que compatible au premier ordre avec les indicateurs de déformation limitée (mécanismes focaux) dans cette région, un tel mouvement relatif rapide est probablement une expression de la résolution limitée des données de géodésie terrestre.

3.2 Géodésie spatiale, GPS, GNSS

L'avènement de la géodésie spatiale, et en particulier du GPS (Global Positioning System), a fortement amélioré la précision des mesures des positions relatives et des déplacements sur des distances de 10 à 1000 km. Les premiers projets GPS se concentrent sur les réarpentages des réseaux de géodésie terrestre existants dans les régions de déformation rapide attendue telles que les Alpes occidentales (Martinod et coll., 1996 ;Ferhat et coll., 1998 ;Calais et coll., 2000b). Ces études combinent les premières données de triangulation (généralement de 1940 à 1950) avec de nouvelles données GPS (début des années 1990) pour estimer les taux de déformation horizontale et les vitesses relatives. Les schémas de déformation dérivés indiquent un raccourcissement d' environ 1 à 5 mm an-1 de NW-SE à NS du nord au sud des Alpes françaises. La précision relativement faible des données de géodésie terrestre combinée à la complexité de l'ajustement de la géodésie terrestre et des mesures GPS entraîne une résolution limitée et des taux de déformation généralement surestimés.

Des réseaux GPS spécifiques dédiés aux applications géodynamiques ont été installés entre le milieu et la fin des années 1990, à la fois en mode d'acquisition campagne (épisodique) et permanent (continu), d'abord dans les Alpes occidentales et lentement dans d'autres régions (Calais et coll., 2000a ;Vigny et coll., 2002 ;Masson et coll., 2010 ;L'équipe RENAG, 2010 ;Rigo et coll., 2015). Ces réseaux géodésiques sont maintenant complétés par de grands réseaux privés installés dans les années 2000 pour des applications de géomatique et de cadastre, fournissant plus de 700 stations GNSS (Global Navigation Satellite System) sur le territoire métropolitain (Fig.7). Parallèlement aux développements du réseau, la précision de l'estimation de la vitesse géodésique s'est considérablement améliorée au cours de la dernière décennie en raison de l'augmentation naturelle de la durée des séries temporelles et des améliorations des caractéristiques GNSS, telles que la définition du cadre de référence, les éphémérides des satellites ou les étalonnages d'antennes (Dow et coll., 2009). Les analyses du bruit et de la variabilité des données GNSS indiquent que les stations avec env. 10 ans ou plus de mesures peuvent actuellement fournir des estimations des vitesses horizontales (resp. Verticales) avec une précision d' environ env. 0,2 mm an-1 (resp. 0,5 mm an-1) au niveau de confiance de 95% (Williams, 2003 ;Santamaría-Gómez et al., 2011 ;Masson et coll., 2019a).

En raison de ces réseaux concomitants et de ces développements techniques, des études récentes des vitesses et des taux de déformation GNSS régionaux ont identifié des signaux cohérents et significatifs dans les Alpes occidentales et centrales, les Pyrénées et le Graben du Rhin supérieur. Ils sont examinés dans les sections suivantes. En dehors de ces régions, la majorité des études ne fournissent que des limites approximatives sur la déformation maximale possible équivalente à des vitesses horizontales différentielles de 0,2 à 0,5 mm an-1 (Nocquet, 2012 ;Nguyen et coll., 2016). Cependant, des études très récentes utilisant des techniques de filtrage basées sur les réseaux indiquent que les vitesses horizontales cohérentes peuvent être résolues avec une précision de 0,1 à 0,2 mm an−1 à des échelles spatiales de 100 à 200 km (Masson et al., 2019b), ce qui entraîne le identification de schémas de déformations complexes dans toute la France métropolitaine qui nécessiteront des analyses complémentaires avant de pouvoir être utilisés dans des modèles sismotectoniques.

Fig. 7 Réseaux GNSS en France métropolitaine. Les cercles rouges indiquent les stations RENAG et IGN permanentes. Les cercles verts (resp. Jaunes) indiquent les stations permanentes d'autres opérateurs publics et privés en France (resp. Dans d'autres pays). Des triangles bleus montrent les stations de campagne dans le corridor Pyrénées - Alpes.

3.3 Alpes occidentales et centrales

La déformation la plus significative observée dans les Alpes occidentales et centrales est un taux de soulèvement actuel allant jusqu'à 2–3 mm an−1 (Brockmann et coll., 2012 ;Serpelloni et coll., 2013 ;Nocquet et coll., 2016). La densité des stations géodésiques, combinée à la réévaluation conjointe des données de mise à niveau, permet une bonne détermination de la distribution spatiale des mouvements verticaux (figure 8.): Taux de soulèvement de 1,0 à 2,5 mm an-1 sont limitées à la centrale et les Alpes nord des Alpes occidentales, alors que les régions environnantes, y compris le sud des Alpes occidentales, ne présentent pas de mouvement vertical significatif cohérent (0,0 ± 0,5 mm an-1). À l'heure actuelle, une détermination plus précise de la configuration des mouvements verticaux est limitée à la fois par la qualité des données individuelles et par l'intégration des données à travers les frontières nationales.

Les estimations de la déformation horizontale bénéficient également des récentes améliorations des données GNSS, fournissant les premières quantifications significatives de la déformation actuelle dans les Alpes. Dans les Alpes occidentales, le mouvement relatif global sur toute l'aire de répartition, de la plaine du Pô à la vallée du Rhône, est probablement inférieur à env. 0,2 mm an-1 (Nocquet, 2012 ;Sánchez et coll., 2018 ; Masson et coll., 2019b). Cependant, une extension orogène-normale significative est observée dans les domaines alpins intérieurs (Fig. 8) avec des vitesses de déformation ca. (5–15) × 10−9  an−1, soit 0,5–1,5 mm an−1 sur des distances de 100 km. Cette extension interne est combinée à des taux de raccourcissement orogènes-normaux plus lents env. (1–5) × 10−9  an−1 dans l'avant-pays français (Sánchez et al., 2018 ;Walpersdorf et coll., 2018 ; Masson et coll., 2019b). Ces nouveaux modèles de déformation géodésiques sont cohérents avec les indicateurs de sismicité et de déformation sismo-tectonique (Sue et coll., 1999 ;Walpersdorf et coll., 2015). L'augmentation du volume et de la précision des données géodésiques et sismiques nécessite une réévaluation de la comparaison géodésique / sismique pour aborder des questions telles que la déformation asismique potentielle (Sue et coll., 2007).

Ces schémas de déformation horizontale dans les Alpes occidentales ne sont probablement pas liés à la cinématique régionale de la micro-plaque d'Adria (Fig. 1). Les analyses en blocs rigides définissent une rotation anti-horaire d'Adria par rapport à l'Eurasie avec un pôle situé dans le nord-ouest de l'Italie, entraînant un raccourcissement à peu près NS des Alpes orientales et de très petits mouvements relatifs transtensifs (<0,5 mm an-1) dans les Alpes occidentales (D'Agostino et al., 2008). En revanche, les données GPS suggèrent une transition rapide de l'extension EW dans les Alpes occidentales françaises à l'extension NS près de la frontière franco-italienne-suisse (Fig. 8), incompatible avec la rotation des micro-plaques Adria et nécessitant des mécanismes d'entraînement supplémentaires tels que le rebond isostatique de l'érosion, la déglaciation du dernier maximum glaciaire ou la déchirure de la plaque européenne (cf. section 4).

Fig. 8 Vitesses verticales GNSS et taux de déformation horizontale dans les Alpes et les Pyrénées. Les cercles colorés montrent les vitesses verticales sur les sites GNSS (pour les erreurs standard inférieures à 0,25 mm an-1 ; Masson et al., 2019b). Les croix jaunes et noires montrent les taux de déformation horizontale dans les Alpes et les Pyrénées (cf. texte pour les références).

3.4 Pyrénées

Une campagne récente et des données GPS permanentes indiquent un taux d'extension significatif de la NS à travers les Pyrénées env. (1–4) × 10−9  an−1, équivalent à ca. 0,1–0,4 mm an−1 sur toute la largeur de 50–100 km de l'orogène (Asensio et coll., 2012 ; Rigo et coll., 2015 ; Masson et coll., 2019b). La densité de la station et la qualité des données ne permettent pas une détermination plus précise de la localisation des déformations, hormis des suggestions de taux d'extension plus faibles dans les Pyrénées orientales par rapport au côté ouest (Fig. 8). Comme dans les Alpes occidentales, l'extension orogène-normale est cohérente dans le style avec la sismicité et les indicateurs néotectoniques (Fig. 3); de plus, les taux de déformation géodésique et sismique concordent dans leurs incertitudes (Rigo et al., 2015). Cependant, contrairement aux Alpes occidentales, le raccourcissement associé de l'avant-pays pyrénéen n'est actuellement pas observé dans les données géodésiques.

La faible densité de stations GPS permanentes dans la partie centrale des Pyrénées, ainsi que la faible résolution des données de campagne, imposent de fortes limites à la détection de mouvements verticaux importants. Les données actuelles suggèrent qu'il n'y a pas de soulèvement ou d'affaissement significatif à l'intérieur de ca.  ± 0,5 mm an-1 dans les domaines internes et les avant-pays (Masson et al., 2019b).

Comme dans les Alpes, la relation entre ces schémas de déformation et la cinématique d'une microplaque Iberia potentiellement indépendante reste floue. Les données GPS en Espagne et au Portugal suggèrent une rotation horaire de la micro-plaque Iberia, par rapport à l'Eurasie, avec un pôle situé dans le nord de l'Espagne au sud-ouest des Pyrénées (Palano et coll., 2015). La compatibilité de cette rotation rigide d'une micro-plaque d'Iberia avec les estimations de vitesse de déformation dans les Pyrénées reste à étudier en détail.

3.5 Graben du Rhin supérieur

La déformation tectonique dans le Graben du Rhin supérieur a jusqu'à présent été insaisissable. Les études utilisant GNSS en combinaison avec le nivellement ou InSAR (Interferometry of Synthetic Aperture Radar) ne détectent aucune déformation horizontale significative dans un rayon d' env.  ± 0,3–0,5 mm an−1 de précision (Fuhrmann et coll., 2015 ;Henrion et coll., 2015). Alternativement, les études les plus récentes basées sur les seules données GNSS suggèrent un raccourcissement général du NS dans la région Vosges-Forêt-Noire-Jura suisse env. 1 × 10−9  an−1 (éq. 0,1–0,2 mm an−1), ce qui nécessite des analyses supplémentaires pour comparer avec d'autres indicateurs néotectoniques (Sánchez et al., 2018 ; Masson et al., 2019b). Des taux d'affaissement allant jusqu'à 0,5 mm an-1 sont observés dans la partie nord du Graben du Rhin supérieur sur des zones d'une dimension de 10 à 20 km (Fuhrmann et al., 2015). La question de savoir si ces signaux d'affaissement peuvent être d'origine anthropique, en particulier en association avec la production géothermique, fait l'objet de recherches en cours utilisant diverses techniques géodésiques, dont la gravimétrie (Heimlich et coll., 2015 ;Ferhat et coll., 2017).

4 Processus et modèles

Divers mécanismes et processus ont été proposés pour expliquer la déformation et la sismicité en France, en général avec une application à une région spécifique. Ils peuvent être classés en deux grandes catégories selon qu'ils génèrent des charges stationnaires ou transitoires sur une échelle de temps géologique (environ 1 Myr). Les formateurs sont associés à des conducteurs tectoniques classiques tels que la cinématique des plaques, la convection du manteau ou la topographie. Ces derniers correspondent à des processus qui ont été proposés plus récemment et dont l'impact reste débattu, comme l'érosion ou l'ajustement isostatique glaciaire.

4.1 Champ de stress régional et tectonique des plaques

Depuis les années 1980, le projet World Stress Map a permis une augmentation spectaculaire de la compréhension de l'état de stress dans la croûte et la lithosphère (Zoback et coll., 1989 ;Heidbach et coll., 2018). En particulier, de nombreuses études ont montré que les orientations de la contrainte de compression horizontale maximale (σH) démontrent une cohérence spatiale de premier ordre à l'échelle continentale qui peut être attribuée à l'effet des forces aux limites de la plaque (Zoback, 1992). Dans la majeure partie de la France et de l'Europe occidentale continentale, σH montre une orientation générale NW-SE à NNW-SSE (azimut d' environ N 135–160 °, Fig. 9). Les modèles mécaniques montrent que ce modèle de contrainte est principalement dû à la force de poussée de la crête de la dorsale médio-atlantique combinée à la résistance à la subduction / collision le long des frontières Nubie-Eurasie et Adria-Eurasie (Müller et coll., 1992 ;Gölke et Coblentz, 1996).

Cette orientation NW-SE à NNW-SSE à l'échelle continentale de la contrainte de compression horizontale maximale est cohérente avec les tenseurs de contraintes locaux dérivés des inversions de mécanisme focal dans la plupart de la France et les régions voisines (Fig.9). Des régimes de strike-slip et de contraintes d'extension associés à une orientation NW-SE de σH sont observés dans la majeure partie de la Bretagne, de la Vendée et du nord du Massif (Delouis et coll., 1993 ; Mazabraud et coll., 2005), dans la baie du Bas-Rhin et le Massif rhénan (Hinzen, 2003), et plus au sud dans le Graben du Rhin supérieur et l'avant-pays alpin suisse (Delouis et al., 1993). Les Pyrénées montrent une combinaison similaire de régimes de décrochement et d'extension, mais avec des variations plus fortes dans les orientations de σH dans le quadrant NW-SE (Rigo et al., 2015).

En revanche, les Alpes occidentales sont la seule région où coexistent des régimes de contraintes d'extension, de décrochement et de raccourcissement sur de petites échelles spatiales (10 s km), avec des orientations de contraintes pouvant varier de plusieurs 10 s de degrés (Sue et al., 1999 ; Baroux et al., 2001). Au premier ordre, le modèle de contrainte alpine est cohérent avec la déformation géodésique, tous deux indiquant une extension approximativement EW au centre de l'orogène avec un raccourcissement dans l'avant-pays (figures 3, 8 et 9).

Dans l'ensemble, ces observations suggèrent que les forces de bord de plaque en champ lointain constituent un contrôle majeur sur le champ de contraintes à l'échelle continentale en France métropolitaine et en Europe occidentale continentale, imprimant une compression horizontale maximale orientée NW-SE vers NNW-SSE. Les régimes de déformation associés oscillent entre le décrochement et l'extension, suggérant un état de contrainte permettant des permutations faciles des deux plus grandes contraintes principales (σ1 et σ2) entre la compression NW-SE verticale et horizontale (Fig. 9b). Les écarts locaux par rapport à cet état général, en particulier dans les Alpes occidentales, soulignent le rôle important des mécanismes et processus supplémentaires dans la déformation locale.

Fig. 9 Orientation de la contrainte de compression horizontale maximale en France métropolitaine et en Europe de l'Ouest. De petites barres pleines montrent les orientations de la contrainte de compression horizontale maximale in situ (σH) à partir de la carte mondiale des contraintes (Heidbach et al., 2018). Les lignes blanches en pointillés épaisses indiquent l' orientation σH lissée . Les barres vertes, bleues et rouges montrent l' orientation σH à partir des inversions du mécanisme focal dans les régimes de contrainte de décrochement, d'extension et de raccourcissement. (b) Schéma d'état de contrainte avec permutations entre σ1 et σ2 permettant des oscillations entre les régimes de décrochement et d'extension tout en conservant l' orientation σH.

4.2 Dynamique du manteau, subduction et déchirure de la plaque

Les effets potentiels de la dynamique du manteau sous-lithosphérique sur la déformation actuelle en France et en Europe occidentale peuvent être divisés en deux catégories. À très grande échelle spatiale (des centaines à des milliers de km), la convection du manteau supérieur peut contribuer aux variations spatiales des orientations et des amplitudes des contraintes lithosphériques. La dynamique de convection et les interactions complexes avec la subduction des plaques ont probablement joué un rôle majeur dans la tectonique globale de la région méditerranéenne au cours des 30 à 40 derniers Ma (Faccenna et coll., 2014). Plus précisément, les modèles numériques de convection du manteau suggèrent que le couplage asthénosphère-lithosphère peut entraîner une compression horizontale NW-SE dans la majeure partie de la France, ainsi qu'un soulèvement dynamique dans le Massif Central (Faccenna et Becker, 2010 ; Faccenna et coll., 2014). Cependant, l'efficacité du transfert des contraintes de l'asthénosphère à la croûte et de la topographie dynamique liée à la convection du manteau sont encore largement débattues (Coltice et coll., 2017).

Un deuxième processus, plus local, lié à la dynamique sous-lithosphérique a été proposé pour expliquer le soulèvement et l'extension EW observés dans les Alpes occidentales. Les images de tomographie sismique suggèrent une déchirure dans la lithosphère européenne subductée, qui peut s'être récemment détachée de la surface dans les Alpes occidentales alors qu'elle reste attachée dans les Alpes orientales. Cette récente déchirure (environ 2 à 5 Ma) de la plaque européenne pourrait entraîner une flexion vers le haut, et donc un soulèvement et une extension horizontale, de la croûte alpine due au rebond élastique (après retrait du poids de la plaque) et à un écoulement ascendant asthénosphère plus chaude (Baran et coll., 2014 ;Fox et coll., 2015 ; Nocquet et coll., 2016). Il existe très peu de modèles quantitatifs de déformation associés à un rebond de brame-déchirure. Ils montrent que l'amplitude et la longueur d'onde spatiale de la déformation crustale dépendent fortement des propriétés du matériau supposées et de la géométrie du modèle (Gardi et coll., 2010). Dans tous les cas, les taux de soulèvement prévus restent faibles (0,1–0,5 mm an−1) par rapport à ceux observés par géodésie.

4.3 Énergie potentielle gravitationnelle

Le troisième processus classique agissant sur une échelle de temps géologique est l'énergie potentielle gravitationnelle (GPE), c'est-à - dire les forces résultant des contrastes de densité soit à la surface (topographie), soit à l'intérieur de la lithosphère. Les modèles d'équilibre des forces et dynamiques montrent que le GPE est un mécanisme majeur dans les régions limites des plaques et potentiellement dans les régions intraplaques, malgré la topographie inférieure (Assameur et Mareschal, 1995 ;Ghosh et coll., 2006). Utilisation des variations de hauteur du géoïde comme proxy pour le GPE, (Camelbeeck et coll., 2013) calculent la contrainte associée intégrée sur l'épaisseur de la lithosphère en Europe occidentale. Dans leur modèle, les contraintes du GPE varient à des échelles spatiales de quelques 10 s km, ce qui entraîne des variations de courte longueur d'onde des régimes tectoniques, des amplitudes de contraintes (environ 1 à 10 MPa) et des orientations des contraintes, avec deux modes principaux de compression horizontale maximale contrainte (σH) à peu près NE-SW et NW-SE. Ces orientations de stress locales sont cohérentes avec la plupart des données de la World Stress Map (mécanismes in-situ et focaux), mettant en évidence le rôle du GPE dans les variations de stress locales en France et en Europe occidentale continue (Heidbach et coll., 2007 ; Camelbeeck et coll., 2013).

Des études complémentaires soulignent le rôle potentiel du GPE dans les Alpes et les Pyrénées (Jiménez-Munt et coll., 2005 ;Neres et coll., 2018). La topographie élevée de l'orogène interne par rapport à son avant-pays se traduit par une tectonique d'extension avec la direction d'extension principale (contrainte horizontale minimale) perpendiculaire à la direction locale de l'orogène, cohérente avec la déformation actuelle observée dans les données géologiques, sismologiques et géodésiques . À plus petite échelle, le GPE peut également être lié à des grappes de sismicité dans les Pyrénées centrales en association avec l'affaissement d'un bloc de croûte inférieure dense emprisonné dans la croûte supérieure (Souriau et coll., 2014) et dans le sud des Alpes occidentales où le GPE peut entraîner l'écoulement vers le sud de la couverture sédimentaire sur un niveau de décollement du Trias (Le Pichon et coll., 2010). Au total, ces études font partie du débat en cours sur le concept d'effondrement gravitationnel et son applicabilité aux Alpes et aux Pyrénées (Selverstone, 2005 ;Vernant et coll., 2013).

Une hypothèse majeure des modèles GPE est l'équilibre isostatique local, c'est -à- dire un support négligeable des charges de topographie et de densité par la force de la lithosphère. Cette hypothèse est contredite par les études de cohérence ou d'admittance gravitation-topographique qui indiquent une épaisseur élastique effective de la lithosphère de 10 à 40 km sur la majeure partie de l'Europe occidentale (Pérez-Gussinyé et Watts, 2005 ;Tesauro et coll., 2009). Ainsi, les charges à courte longueur d'onde (<  environ  100 km) devraient être principalement supportées par la rigidité à la flexion de la lithosphère avec un effet GPE limité, alors que les charges à longue longueur d'onde (> 100 à 200 km, comme les Alpes ou les Pyrénées) peuvent entraîner un GPE beaucoup plus fort. effets. Les modèles mécaniques incluant l'élasticité de la lithosphère indiquent que la topographie et les charges crustales dans les Pyrénées centrales ont très peu d'effet sur la déformation modélisée (Genti et coll., 2016).

4.4 Érosion

Le couplage entre érosion, déformation crustale et climat a été proposé sur des échelles de temps allant de périodes géologiques (1–10 Myr) à humaines (1–10 ans) (Dadson et coll., 2003 ;Willett et coll., 2006 ;Steer et coll., 2014). En pratique, les taux d'érosion (c'est-à - dire les taux auxquels les matériaux sont enlevés et transportés hors de la zone d'intérêt) ne sont estimés que par des analyses de substitution. Les bilans sédimentaires dans les bassins de dépôt et les modèles d'exhumation basés sur la thermochronologie à basse température fournissent des estimations des taux d'érosion sur des périodes de quelques Myr. À des échelles de temps intermédiaires, la dénudation des bassins versants des rivières estimée à l'aide de l'exposition aux nucléides cosmogéniques est utilisée comme indicateur des taux d'érosion sur quelques kyr. Les flux de sédiments actuels dans le transport fluvial sont utilisés pour estimer les taux d'érosion sur quelques 10 s an. Ces techniques ne fournissent que des estimations indirectes des taux d'érosion moyennés sur la période considérée et qui dépendent de modèles avec de multiples inconnues.

En France et en Europe occidentale continentale, l'érosion à long terme a été proposée comme un facteur possible du soulèvement et de l'extension actuels dans les Alpes et les Pyrénées (Champagnac et coll., 2007 ; Vernant et coll., 2013). Pour ces derniers, des taux d'érosion lents (<0,1 mm an-1) sont estimés pour la période post-orogénique (Néogène). Les modèles d'exhumation suggèrent des taux d'érosion très lents (environ 0,02 mm an-1) en moyenne sur les 30 derniers Ma (Fillon et van der Beek, 2012). Des taux d'érosion légèrement plus rapides (environ 0,05–0,1 mm an−1) sont proposés pour les derniers 1000–10 ka dans les Pyrénées orientales sur la base de datations cosmogéniques et d'analyses morphométriques (Molliex et coll., 2016). Les modèles mécaniques montrent que ces taux d'érosion très lents, combinés au rééquilibre isostatique de la racine crustale surcompensée, peuvent entraîner des taux de soulèvement et d'extension lents dans les Pyrénées compatibles avec les observations géodésiques et sismiques (Genti et al., 2016) .

Un corpus de travaux plus large existe dans les Alpes qui fournit une image plus détaillée des taux d'érosion, bien que les variations spatiales et temporelles restent débattues, en particulier en ce qui concerne l'accélération potentielle des taux d'érosion dans les 1 à 5 derniers Ma en raison des glaciations du Néogène climat plus humide. Les estimations des taux d'exhumation à partir de la thermochronologie à basse température varient entre moins de 0,4 mm an-1 et plus de 1,0 mm an-1 dans les Alpes occidentales et centrales, avec des indications de taux à l'état d'équilibre depuis env. 15 Ma ou accélération au cours des 2 à 5 derniers Ma (Glotzbach et coll., 2011 ;Glotzbach et coll., 2013 ; Fox et coll., 2015 ; Molliex et coll., 2016). Sur une échelle de temps plus courte, les données de dénudation indiquent des taux d'érosion moyens de même ampleur (environ 0,5 à 1,0 mm an-1) au cours des 5 à 20 derniers ka, avec une augmentation possible associée à la dernière déglaciation (Glotzbach et al., 2013 ; Molliex et al., 2016). Les modèles mécaniques montrent que la réponse au soulèvement à l'érosion atteint 0,1–0,5 mm an−1 (50–80% des taux d'érosion), c'est-à - direau plus 30 à 50% des vitesses de soulèvement observées, selon la paramétrisation mécanique de la lithosphère (Champagnac et al., 2007 ;Mey et coll., 2016).

Les estimations d'érosion sont rares dans les autres régions de France métropolitaine. Les mesures de dénudation dans les bassins versants du Massif Central indiquent des taux d'érosion env. 0,05–0,08 mm an−1, environ un ordre de grandeur plus lent que les Alpes occidentales et légèrement plus lent que les Pyrénées (Schaller et coll., 2001 ;Olivetti et coll., 2016). Taux plus lents env. 0,01–0,05 mm an−1 sont estimés dans la région des Ardennes et du Graben du Rhin (Schaller et al., 2001). Une simple mise à l'échelle linéaire suggère que le soulèvement et l'extension en réponse à l'érosion dans ces régions devraient être environ 10 fois plus petits que dans les Alpes occidentales et environ 2 à 5 fois plus petits que dans les Pyrénées.

4.5 Ajustement isostatique glaciaire

L'ajustement isostatique glaciaire (GIA), également appelé rebond postglaciaire, est la réponse de la Terre solide au chargement et au déchargement de surface associés aux fluctuations des calottes glaciaires, des glaciers et du niveau de la mer à des périodes contrôlées par le forçage orbital (ca.23, 42 et 100 kyr; (Hays et coll., 1976)). En Europe, les systèmes de glace quaternaire comprennent les calottes glaciaires fennoscandiennes et celtiques qui couvraient la Scandinavie et la plupart des îles britanniques, ainsi que des calottes glaciaires et des glaciers de montagne plus petits dans les régions de haute altitude telles que les Alpes et, dans une bien moindre mesure, les Pyrénées et le Massif Central (Florineth et Schlüchter, 2000 ;Patton et coll., 2016). Depuis le Dernier Maximum Glaciaire (DMG, environ 18-20 ka), GIA induit de grandes déformations dans le nord de l' Europe en réponse à la fonte de la calotte glaciaire Fennoscandian (par exemple, les taux de soulèvement actuels jusqu'à 10-15 mm par an-1 en Scandinavie centrale). Cette déformation liée au GIA correspond au premier ordre à un processus viscoélastique et peut être responsable de grands tremblements de terre de l'Holocène (M = 7–8) en Scandinavie et aussi loin au sud que le centre de l'Allemagne (Steffen et coll., 2014 ;Brandes et coll., 2015).

Bien que plus petit qu'en Europe du Nord, l'impact des glaciations LGM en France métropolitaine et dans les régions voisines peut être associé à une déformation et une sismicité à deux niveaux: à très grande échelle spatiale (environ 1000 km) en réponse à la calotte fennoscandienne, et à une échelle plus locale (10–100 km) en réponse à la calotte glaciaire alpine et aux glaciers. Pour le premier, les données géodésiques et les modèles numériques indiquent que l'effet des calottes glaciaires du nord est probablement limité aux faibles taux d'affaissement (<1 mm an−1) et aux taux de raccourcissement NE-SW (<1 × 10−9  an−1) en Belgique et sud-ouest de l'Allemagne (Nocquet et coll., 2005 ;van Camp et coll., 2011 ;Peltier et coll., 2015). En France métropolitaine, le signal Fennoscandien GIA est vraisemblablement à la limite ou plus petit que la résolution des données géodésiques.

Dans les Alpes, la calotte glaciaire du LGM couvrait la majeure partie de la chaîne de montagnes, à l'exception du sud des Alpes occidentales, avec une épaisseur de glace moyenne d' environ. 500 m et maximum jusqu'à 1,5 km dans les vallées principales (Mey et al., 2016). En raison des dimensions relativement petites de la calotte alpine, les modèles GIA standard donnent de très petites déformations actuelles, avec au plus 0,5 mm an-1 de soulèvement au centre des Alpes (Stocchi et coll., 2005). En revanche, les modèles récents plus complexes incluent les variations spatiales de la rhéologie de la lithosphère et en particulier l'amincissement de la couche élastique sous les Alpes (Chéry et coll., 2016 ; Mey et coll., 2016). Ces modèles se traduisent par une déformation GIA actuelle plus rapide: taux de soulèvement env. 1–2 mm an−1 et extension EW dans la région intérieure des Alpes occidentales passant à un mouvement vertical proche de zéro et un raccourcissement dans l'avant-pays, cohérent en amplitude et en style avec les données géologiques, sismiques et géodésiques.

4.6 Activités anthropiques

Les événements sismiques liés à l'activité humaine représentent environ un tiers de tous les séismes en France métropolitaine entre 1962 et 2009 (Cara et al., 2015). La plupart sont des explosions de carrière de faible magnitude (environ M <3) et d'impact spatial très limité (quelques 10–100 s m). D'autres activités anthropiques telles que l'extraction de pétrole et de gaz, la production géothermique ou les barrages hydroélectriques peuvent entraîner le déclenchement de séismes plus importants sur des zones plus larges (Foulger et coll., 2018). Dans le dernier cas, les effets du chargement / déchargement des barrages hydrauliques (ou d'autres modifications de la masse de surface) sont généralement associés à des perturbations de contrainte qui affectent les failles déjà à l'équilibre de contrainte proche de la rupture (Grasso et coll., 1992). En France métropolitaine, plusieurs zones présentent des signes de déformation anthropique et de sismicité à des niveaux justifiant une surveillance géodésique et sismique. Le champ gazier de Lacq, dans le sud-ouest de la France, est un cas typique de déformation anthropique associée à l'exploitation des hydrocarbures. Entre 1974 et 1992, la production de gaz a entraîné plus de 2000 tremblements de terre (jusqu'à M = 4,2) et des affaissements jusqu'à 5 cm dans une zone d' environ. 10 × 20 km (Bardainne et coll., 2008). Alternativement, des exemples d'affaissement significatif avec peu ou pas de sismicité sont observés dans les systèmes d'extraction en solution et en tunnel (Guéguen et coll., 2009). La sismicité induite associée à la production d'énergie géothermique, et en particulier les systèmes géothermiques améliorés, est également un sujet de recherche important et permanent en France et en Europe de l'Ouest (Majer et coll., 2007). En raison de ses caractéristiques complexes et spécifiques, la génération anthropique de déformation et de sismicité dépasse le cadre de cette revue.

5 Discussion

La revue précédente met en évidence les subtilités des processus de sismicité et de déformation en France métropolitaine et en Europe occidentale voisine, synthétisées dans la figure 10 . La cohérence des données de stress in situ et des mécanismes focaux sismiques suggère que les forces tectoniques en champ lointain sont un facteur majeur définissant le modèle de contrainte crustale à grande échelle (compression horizontale maximale, Fig. 9). Pourtant, les processus non tectoniques tels que l'érosion et l'ajustement isostatique glaciaire doivent jouer un rôle important dans les variations locales et régionales de sismicité et de déformation, en particulier en relation avec l'extension orogène-normale dans les Alpes et les Pyrénées. En outre, les forces gravitationnelles locales issues de la topographie ou de la dynamique du manteau peuvent également contribuer dans des zones spécifiques telles que les Alpes.

La modélisation numérique mécanique est une approche critique pour aborder et déchiffrer les complexités de la déformation actuelle et les contributions relatives des divers processus de conduite. Cela est particulièrement vrai lorsque l'on considère les complexités supplémentaires des rhéologies crustales et du manteau dérivées des variations d'épaisseur, de composition, de géothermie ou d'histoire tectonique. A titre d'exemple, la réponse actuelle à la déglaciation dans les Alpes peut varier d'un facteur cinq en fonction de la présence de domaines crustaux et mantelliques faibles liés à la tectonique alpine (Chéry et al., 2016). Ce rôle potentiel de l'héritage structurel dans la déformation et la sismicité actuelles est examiné dans la section suivante. Nous discutons ensuite des difficultés d'intégration de cette richesse d'informations dans les futurs calculs d'aléa sismique.

Fig. 10 Synthèse schématique des déformations et processus moteurs actuels en France métropolitaine et en Europe de l'Ouest. Les croix rouges (resp. Orange) montrent les styles et les amplitudes relatives des déformations horizontales actuelles bien contraintes (resp. Probables) des mécanismes focaux sismiques et des données géodésiques. Les lignes et les flèches noires en pointillés montrent la compression horizontale NW-SE à grande échelle des forces tectoniques en champ lointain. La ligne pointillée bleue montre la zone touchée par l'ajustement isostatique glaciaire (GIA) de la calotte glaciaire alpine. La flèche verte incurvée montre la zone affectée par la déchirure de la plaque européenne et la dynamique du manteau associée. Les ombres orange montrent les zones affectées par l'érosion à long terme (rouge – jaune = rapide – lent).

5.1 Rôle de l'héritage structurel

Dans les régions continentales intraplaques, une corrélation spatiale de premier ordre entre la sismicité et l'héritage structurel est observée et discutée depuis les années 1970 (Sykes, 1978 ;Johnston, 1989). Dans ces études, l'héritage structurel est généralement défini comme des structures géologiques à l'échelle lithosphérique associées à des événements tectoniques majeurs passés (généralement du Paléozoïque ou plus ancien) et à une grande contrainte affectant des régions de 10 à 100 km. En fonction des paramètres et des définitions, 55 à 95% de la sismicité intraplaque se produit dans les régions à fort héritage structurel telles que les paléo-rifts et les marges passives (Johnston, 1989 ;Schulte et Mooney, 2005). Au premier ordre, une corrélation spatiale entre sismicité et héritage structurel peut également être observée en France métropolitaine (Fig. 11). La micro-sismicité de fond et les  séismes M W ≥ 4,5 se produisent préférentiellement dans un rayon d' env. 50 km de systèmes de failles affectant le Moho et le sous-sol variscain: par exemple, la zone de faille sud-armoricaine, la faille nord-pyrénéenne, la faille du front pennique et la faille de Belledonne, le système de faille du Bas-Rhin. Les exceptions à cette corrélation sont de deux types: (1) la sismicité se produisant dans les régions où l'héritage structurel est limité à la tectonique à peau mince et peu profonde (Jura et avant-pays alpin) et (2) les régions à héritage structurel majeur avec peu ou pas de sismicité (ex., Faille de Bray, Faille des Cévennes).

Cette corrélation de premier ordre entre la sismicité intra-plaque et l'héritage structurel est communément liée à l'affaiblissement mécanique et donc à la concentration de contraintes au sein de la lithosphère dans les domaines paléo-tectoniques (Sykes, 1978 ; Mazzotti, 2007). Les études géologiques des zones de cisaillement exposées indiquent que dans le manteau lithosphérique, cet affaiblissement mécanique est lié à l'alignement des cristaux d'olivine ou à la réduction de la taille des grains lors d'événements tectoniques passés (Précigout et Gueydan, 2009 ;Tommasi et coll., 2009). Dans la croûte, le principal mécanisme d'affaiblissement mécanique est la nucléation de couches minérales (p . Ex., Mica, talc) dans les zones de failles et de cisaillement (Gueydan et coll., 2003 ;Holdsworth, 2004). Ces divers mécanismes peuvent entraîner une réduction permanente de la résistance jusqu'à des facteurs de 10 à 100 ou plus.

Peu d'études fournissent des analyses quantitatives de la relation potentielle entre l'affaiblissement de l'héritage structurel et l'amplification de la déformation et de la sismicité actuelles. Des zones faibles ad hoc ont été testées dans des modèles numériques d'ajustement isostatique glaciaire en réduisant la viscosité du manteau ou l'épaisseur de la plaque élastique dans les régions d'héritage structurel (Grollimund et Zoback, 2001 ;Wu et Mazzotti, 2007 ; Chéry et coll., 2016). Ils montrent que la réduction de la résistance d'un ordre de grandeur peut entraîner une concentration et une augmentation de la déformation GIA par des facteurs ca. 2–10 selon les hypothèses du modèle. Des modèles numériques plus complexes intégrant des lois rhéologiques spécifiques pour les mécanismes d'affaiblissement sont également développés (Mazzotti et Gueydan, 2018 ;Tarayoun et coll., 2019). Dans ces modèles, l'impact de l'héritage structurel sur la déformation actuelle dépend fortement de l'amplitude et de la localisation des zones faibles, mais aussi des caractéristiques des mécanismes de forçage (ex : tectonique à long terme ou GIA transitoire). Cependant, ces premières études suggèrent que les variations spatiales des taux de déformation actuels, et donc des taux de sismicité, peuvent être limitées à un facteur de ca. 2 à 25 dans les régions intraplaques comme la France métropolitaine (Tarayoun et al., 2019). Les implications de ces contraintes sur la sismicité et l'aléa sismique restent à examiner.

Enfin, une anti-corrélation apparente est observée entre la sismicité et la présence de grands bassins sédimentaires. Les bassins de Paris et d'Aquitaine sont associés à une sismicité de fond très faible, bien qu'ils abritent quelques grands séismes (Mw ≥ 4,0) et des indices de déformation néotectonique (Fig. 5 et 11). L'effet de ces grands bassins méso-cénozoïques en tant qu'inhibiteurs potentiels de la déformation et de la sismicité actuelles reste à étudier. Il est à noter que le bassin du Sud-Est ne présente pas d'anti-corrélation similaire.

Fig. 11 Relation entre héritage structurel et sismicité en France métropolitaine. Les lignes vertes pleines et pointillées montrent les principales failles crustales et les zones de failles (MFZ: Midi Fault Zone; BF: Bray Fault; LRFS: Lower Rhine Fault System; SASZ: South Armorican Shear Zone; SH: Sillon Houiller; NPF: North Pyrenees Fault; CF : Faille des Cévennes; BF: Faille de Belledonne; PFT: Poussée avant Pennic). Les lignes pointillées pleines montrent les principaux bassins sédimentaires. Les cercles gris montrent les tremblements de terre historiques et instrumentaux (Mw ≥ 4,5, catalogue SHARE). L'ombrage orange montre la densité relative des tremblements de terre instrumentaux (Mw ≥ 2,0, catalogue SI-Hex).

5.2 Implications des risques sismiques

Comme le montrent les sections précédentes, la caractérisation de la sismicité en France métropolitaine et en Europe de l'Ouest est confrontée à de nombreuses complexités et inconnues, des processus moteurs et du rôle de l'héritage structurel dans la localisation des déformations, à l'amplitude et à la variabilité temporelle des déformations à long et court terme. taux, ou l'identification des failles actives potentielles et de la récurrence de grands tremblements de terre. Ainsi, comme pour toutes les régions continentales intraplaques, l'évaluation des risques sismiques reste un défi majeur tant du point de vue scientifique que sociétal. Ce numéro est parfaitement illustré par la pléthore d'articles et de rapports publiés au cours des 20 dernières années sur le sujet de l'aléa sismique dans la zone sismique de New Madrid, à l'est des États-Unis. Bien qu'il s'agisse probablement du système intraplaque le mieux étudié,Frankel, 2004 ;Wang et Cobb, 2012).

En France, les calculs d'aléa sismique ont été réalisés par des instituts publics et des entreprises privées selon des méthodes déterministes ou probabilistes, selon les réglementations et les applications (Dominique et coll., 1998 ;Marin et coll., 2004). La plupart de ces études s'appuient sur des définitions classiques des zones sismotectoniques qui représentent des «régions tectoniquement cohérentes» (Grellet et al., 1993 ; Baize et al., 2013), les développements récents se concentrant sur l'intégration de failles sismogènes individuelles (Cushing et al., 2008 ; Jomard et al., 2017). Dans le cas d'une évaluation probabiliste des dangers, les calculs nécessitent la définition des fréquences locales d'occurrence des séismes. Ainsi, une solide connaissance des taux de déformations (déformation régionale ou glissement de faille individuel) et de leurs incertitudes est essentielle pour ces modèles (Chartier et coll., 2017). Dans le cas des calculs déterministes, le cadre sismotectonique fournit également des contraintes importantes sur la magnitude maximale locale, le mécanisme sismique prédominant, etc., pour compenser les connaissances limitées sur les grands séismes historiques et paléo-séismes en France.

L'intégration quantitative des taux de déformation dérivés de données géodésiques ou de modèles numériques devient un aspect important de l'évaluation des risques sismiques, en particulier dans les régions de déformation rapide telles que les zones de délimitation des plaques (Field et coll., 2014 ;Evans, 2017). Cependant, la complexité et le rôle probable des processus non tectoniques entraînent des difficultés supplémentaires en France métropolitaine et en Europe occidentale voisine, comme dans la plupart des régions continentales intraplaques (Atkinson, 2007 ;Mazzotti, 2018). En particulier, des problèmes majeurs restent à résoudre avant que les taux de déformation dus aux processus de chargement / déchargement, tels que l'érosion et l'ajustement isostatique glaciaire (GIA), puissent être inclus dans les modèles d'aléa sismique. De tels processus sont associés à des schémas de déformation lisses contrôlés en partie par la réponse élastique de la lithosphère, c'est -à- dire une déformation à des échelles spatiales de 10 à 100 s km et en partie à totalement asismique. À l'échelle mondiale, les comparaisons des taux de déformation sismique et géodésique indiquent une très grande variabilité du rapport de déformation sismique / aseismique (Mazzotti, 2018). En outre, les progrès récents dans l'analyse des données géodésiques suggèrent également que ce ratio peut être fortement affecté par la présence d'un héritage structurel majeur (Tarayoun et coll., 2018).

Enfin, le rôle probable des processus environnementaux non tectoniques tels que l'érosion et le GIA pose également la question de la déformation en fonction du temps et donc de l'aléa sismique. Le forçage orbital sur le climat produit une forte variabilité des taux de glaciation et d'érosion sur des échelles de temps de 1 à 10 kyr, mais des modulations plus courtes existent également sur des échelles de temps de 1 à 100 ans (par exemple, petit âge glaciaire ou événements de fortes précipitations méditerranéennes). L'impact de ces mécanismes de forçage variant dans le temps sur la déformation et le déclenchement des tremblements de terre ou le regroupement des séismes commence à être abordé dans les régions actives (Steer et coll., 2017). Leurs effets potentiels en France métropolitaine restent à étudier.

6. Conclusion

Les recherches menées au cours des dernières décennies ont mis en lumière les subtilités de la sismicité, de la déformation actuelle et des processus moteurs associés en France métropolitaine et en Europe occidentale continentale (Fig.10). En particulier, de nouvelles données géologiques, sismologiques et géodésiques montrent que les Pyrénées et les Alpes occidentales connaissent actuellement une extension orogène-normale ca. 0,5 mm an−1sans rapport avec leur histoire tectonique cénozoïque de convergence et de construction de montagnes. Ailleurs, la déformation actuelle reste plus insaisissable. Les styles de déformation, dérivés des mécanismes focaux des tremblements de terre, varient principalement entre l'extension et le glissement de frappe, le raccourcissement étant limité à l'avant-pays des Alpes occidentales. Les données géodésiques n'ont jusqu'à présent fourni que des limites supérieures sur les taux de déformation (moins de 0,2–0,5 mm an−1 sur 100–200 km), mais les améliorations drastiques de la densité des données et des méthodes d'analyse suggèrent que des vitesses de déformation significatives peuvent désormais être résolues en l'essentiel de la France métropolitaine et de l'Europe occidentale.

Les nombreuses études et observations examinées ici pointent vers la première conclusion, et peut-être la plus importante, selon laquelle la tectonique des plaques et ses mécanismes classiques (mouvements relatifs des plaques, convection du manteau) ne sont pas les principaux moteurs de la déformation et de la sismicité actuelles en France métropolitaine. Des processus supplémentaires doivent jouer un rôle majeur dans les complexités régionales et locales. Une variété de candidats potentiels existe dans différentes régions, allant des processus à long terme (par exemple, énergie potentielle des contrastes de densité et de la topographie, propagation de la déchirure de la plaque) aux processus transitoires non tectoniques agissant sur des échelles de temps allant du Myr au kyr (par exemple, érosion, ajustement isostatique glaciaire). En raison de cette variété de processus de conduite potentiels, la relation entre la déformation continue et la sismicité - et donc l'aléa sismique - reste une incertitude clé. La question de savoir si la déformation à long terme entraîne des taux de charge de faille très lents et des tremblements de terre récurrents avec de très longues périodes de retour, ou si la charge actuelle est négligeable et les grands tremblements de terre peuvent ne pas être récurrents reste une question ouverte, potentiellement avec des réponses différentes dans différentes régions métropolitaines. France et Europe occidentale continentale. Il convient de noter que ces divers processus jouent probablement également un rôle dans les zones limites des plaques. À grande échelle, leurs contributions sont généralement éclipsées par la tectonique des plaques standard,

Les relations entre les processus de conduite, la déformation et la sismicité doivent être abordées à travers une modélisation numérique mécanique afin de tirer parti des données géologiques, sismologiques et géodésiques qui continueront de s'améliorer dans un proche avenir. En particulier, des études récentes montrent que l'héritage structurel (variabilité de la résistance de la croûte ou du manteau due à l'histoire tectonique) peut jouer un rôle majeur dans la localisation et l'amplification de la déformation et donc de la sismicité. Une intégration complète des modèles numériques, des données géodésiques, sismologiques et géologiques dans un cadre sismotectonique cohérent est une prochaine étape qui devrait être soutenue à l'échelle de la France et de l'Europe de l'Ouest (cf. (Field et al., 2014).) pour l'exemple californien). En particulier, les données macrosismiques et les catalogues archéologiques et historiques des séismes sont fondamentaux pour mieux définir les caractéristiques spatiales et temporelles de la sismicité en France métropolitaine; les études des données historiques doivent être reprises et soutenues.

Remerciements

Cet article s'inscrit dans un effort permanent de l'infrastructure de recherche RESIF (Réseau Sismologique et Géodésique Français) pour rassembler les différentes communautés pouvant contribuer à mieux comprendre la sismicité en France (https://www.resif.fr). Les idées pour cette revue sont nées d'une série d'ateliers sur l'aléa sismique et la sismotectonique en France organisés entre 2017 et 2019 par le RESIF «Action Transverse Sismicité» (https://www.resif.fr/spip.php?article144). Nous remercions les nombreux collègues qui ont participé aux ateliers et contribué aux discussions sur la sismicité, la déformation et leurs mécanismes de pilotage, avec un merci spécial à Oona Scotti pour son soutien à ces ateliers. Les données et résultats présentés dans cette revue n'ont été possibles que grâce aux institutions et organisations qui depuis des décennies ont fourni des ressources financières et humaines pour l'observation et l'étude de la sismicité de la France métropolitaine (dans une indifférence quasi générale). Les chiffres de cet article ont été réalisés à l'aide de GMT 5 (Wessel et al., 2013), R (R Core Team, 2019) et QGIS (QGIS Development Team, 2019)) Logiciel. Nous remercions un critique anonyme, Romain Jolivet et les éditeurs pour leurs commentaires et suggestions.

Références